Carnet de pèlerin

« Les gens imaginent que l’errant va le nez au vent. Pourtant, c’est avec rigueur qu’il trace sa route. Il faut de la discipline pour ne pas céder à l’envie de faire une halte. Il faut de la méthode pour gagner le rythme nomade, cette cadence nécessaire à l’avancée et qui aide le marcheur à oublier sa lenteur. Voyager, ce n’est pas choisir les ordres, c’est faire entrer l’ordre en soi ». Sylvain Tesson. (Merci Brigitte)

2/07/2022 – première étape, rencontre avec les amis du chemin aux Champs Libres à Rennes, adhésion et remise de la crédencial. Que d’anecdotes des anciens qui augurent des expériences uniques.

Départ le jeudi 18 août, 1ere étape Bruz, 16,7km.

Le temps est lourd et nuageux, parfois chaud et étouffant. Le départ est donné à 13:30 de Nouvoitou. Mon taxi (Rachid) m’emmène à la Poterie prendre le métro pour République. De là, une petite marche me mène jusqu’à la cathédrale Saint-Pierre proche de la place des Lices. Je fais un rapide tour à l’intérieur à la recherche de quelqu’un qui pourrait signer ma crédencial, en vain. Je me tourne alors vers la crêperie « La motte piquet » où la serveuse accepte de mettre un joli tampon en guise de feu vert. Me voilà parti, assisté par Maps.me et le GPS. Rien de compliqué, longer la Vilaine jusqu’à Bruz où Joëlle a accepté de me donner l’hospitalité. Je longe la Prévalaye flanquée de magnifiques immeubles contemporains. La location de petites embarcations sur la Vilaine tourne à plein en cette période estivale. Un peu plus loin, je passe le stade Rennais, majestueux. Beaucoup d’interrogations tournent dans ma tête sur ma capacité à tenir sur la longueur. L’esprit est à l’affût de chaque message du corps, dos, pieds, genoux, épaules. Le sac est assurément trop lourd. Je croise à la sortie d’un virage un vieux Monsieur qui marche à petite allure en frottant ses baskets au sol. À sa hauteur, je vois dans le coin de sa bouche un morceau de cigarillo qui fume et qui sent fort. Une locomotive ! Mes pas s’enchaînent régulièrement avec une pause toutes les 30mn. La Vilaine est toujours aussi belle et fleurie. Peu de monde aujourd’hui, si ce n’est des vélos. Le soleil est parfois assommant et l’eau commence à manquer. Enfin se dessinent le golf de Cissé-Blossac et le centre commercial de Bruz où faire quelques emplettes. Je suis largement en avance. Les derniers rayons du soleil sont maintenant plus doux. Je m’installe sur la pelouse d’un grand espace vert avant de rejoindre mon hôte et passer une agréable soirée à échanger des nouvelles.

Les bords de la Vilaine entre Rennes et Bruz.

2ieme étape, le 19 août, Bourg-des-Comptes, 18,5 km.

Au réveil, le temps est gris. Après un bon petit déjeuner, Joëlle part au boulot et je me lance tête baissée dans cette nouvelle étape. Les premières gouttes de pluie tombent, le moment de tester le poncho pas vraiment à portée de main. Puis, le mat du drapeau breton et la gamelle sont récalcitrantes, impossible de couvrir le sac, galère. A la sortie de Bruz, je m’aperçois que je n’ai pas fait tamponner ma crédencial !!! Je fais alors demi-tour jusqu’au bureau d’un paysagiste qui accepte de mettre son tampon capricieux. Ouf, c’est reparti sur la piste cyclable jusqu’à Pont-Réan où je m’arrête à l’auberge prendre un café, le temps de raccourcir le mat du drapeau de 10cm et de négocier avec la gamelle. Je garde mon poncho à la ceinture, le ciel n’est pas sûr. En route pour le Boël où je croise Jérémy en VTT qui a cassé son câble de dérailleur. Surpris de nous rencontrer à cette occasion, nous échangeons quelques mots. Ce très beau parcours déjà connu est agréable à retrouver, parcours parsemé de moulins et d’écluses. Les pêcheurs sont nombreux aujourd’hui. Je croise un couple qui fait du fractionné 1000m en vue du marathon de Deauville, ils envoient… Le baliseur du conseil régional est en reconnaissance avec sa barge au centre de la Vilaine et me fait un signe en passant. Puis la météo change, la pluie s’invite et m’oblige à prendre mon déjeuner au carrefour contact de Bourg des comptes. Encore 3 kilomètres pour rejoindre le gîte des Basses Rivières ; il pleut si fort, impossible de marcher, il faut rester à l’abri. Enfin, l’intensité diminue et permet de reprendre le chemin maintenant rempli d’eau. La propriétaire du gîte qui revient du bourg s’arrête et me ramasse pour les derniers mètres. Après une sieste bien méritée, c’est décidé, je dois alléger mon sac et ne garder que le stricte indispensable. Je vide le sac et étale tout sur le lit. Demain, retour au Carrefour contact qui fait relais de poste et expédition à la maison du trop-plein ! Je profite du temps libre qui m’est accordé pour télécharger mon premier e-book de Matthieu Ricard dans Kindle sur mon i-Phone : « Les cimes enneigées ». Le téléphone n’en est pas plus lourd.

Le moulin de la Bouxière (Guichen).

3ieme étape, le 20 août, Guipry et le camping municipal des Salorges, 22km.

Le temps est nuageux au réveil mais les prévisions sont optimistes. Très bonne nuit de sommeil réparateur. La propriétaire me propose de me déposer au point poste du Carrefour Contact pour déposer le paquet qu’elle m’a donné. Je ne dis pas non car le centre bourg est à trois kilomètres du gîte et le parcours vers Guipry risque d’être plus long. Départ sous le soleil qui s’est débarrassé des nuages rapidement. Il fait déjà chaud mais c’est supportable. Le site de la Courbe est toujours aussi magnifique avec son écluse et ses vapeurs d’eau matinales. L’ombre des arbres à l’Est couvre encore la Vilaine. C’est calme. Et le chemin défile inexorablement sous mes pieds. Certaines portions sont goudronnées et moins agréables à la marche. Elles font certainement le bonheur des pêcheurs qui sont nombreux ce matin. D’autres sont réduites à la circulation des piétons, la roche menaçant de s’effondrer. Je retrouve des paysages déjà connus sans grandes surprises. Une sorte de crampe au mollet droit m’oblige à faire la pause déjeuner plus tôt que prévu avec ce que j’ai de la veille dans mon sac. Phénomène éphémère. De là à dire que les rillettes de maquereau sont bonnes pour les crampes… Arrivée à Guipry, les deux bars sont fermés ! Pas de café donc. Direction la cabane numéro 9 en bois au camping municipal. Le temps de me débarrasser de mon sac et de filer à Super U faire des courses pour le dîner et le petit déjeuner. Encore deux kilomètres en plus. Et oui, tout se fait à pied !

Bords de la Vilaine avant Guipry-Messac.

4ieme étape, le 21 août, camping au Port de Beslé, 21km.

Opération tamponnage du carnet, celui du camping la veille ressemble à une grosse tache d’encre. Et puis c’est dimanche, un petit croissant avec un café seraient bienvenus. Direction Messac, boulangerie à 500m, fermée. Les deux bars sont toujours fermés. Heureusement, le relais à côté du gîte communal occupé à 100% aujourd’hui par des réfugiés ukrainiens, est ouvert. J’ai le droit au moins à mon café et mon tampon, ouf. Le temps de défaire le lit, ranger le câble électrique, fermer les trois cadenas de la cabane et de mettre les clefs dans la boîte aux lettres, c’est parti. 9:30. Le temps n’est pas sûr, la météo annonce de la pluie à 11:00. Je pars dans l’inconnu maintenant car je ne suis jamais allé plus loin que Guipry. Le parcours est magnifique, truffé de pêcheurs accros pour qui la météo n’a pas d’importance. Le chemin sillonne le long de la vilaine bordée de bois et d’arbres protecteurs, certains centenaires s’imposant comme des sentinelles. La pluie arrive à 11:30, très intense m’obligeant à faire halte sous un de ces géants en attendant que ça passe. Prendre son temps prend tout son sens ici. Après une quinzaine de minutes, l’intensité semble diminuer et tout en zigzaguant sous les abris naturels, je continue d’avancer. Une accalmie me permet de croiser ma première pèlerine en route pour le mont Saint-Michel depuis Vertou. Nous échangeons un petit moment des préoccupations de pèlerins et continuons chacun dans notre direction. Ce soir, nous échangerons nos hébergements de la veille. La pluie reprend. Je décide alors de faire la pause déjeuner bien au sec sous un bel arbre parapluie. La pluie ne cessera plus jusqu’à mon arrivée à 16:00, un bon crachin, de la petite qui mouille comme disent les brestois. J’arrive au port de Beslé après quelques dizaines de mètres de voie romaine. Le camping est sur l’autre rive, il faut encore traverser le pont pour prendre possession d’une cabane en bois réservée aux pèlerins. Le dîner sera fait d’un bon hamburger frites « maison » auprès d’une petite roulotte tenue par des gens sympathiques.

Les sentinelles du chemin.

Ce carnet de pèlerin est en accès libre. Si vous trouvez que cela en vaut la peine, vous pouvez en échange faire ici un don de quelques €. Comme un prolongement de ce pèlerinage, les sommes collectées sont entièrement reversées à l’association caritative Karuna Shechen fondée par Matthieu Ricard « qui contribue à briser le cycle de l’extrême pauvreté, à renforcer la résilience et à développer le plein potentiel des populations pauvres, vulnérables ou en détresse ».


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